Nous rencontrons Sarah, barista, lors d’une des dernières journées vraiment chaudes de septembre. Elle nous donne rendez-vous à l’Arche Brockenhaus à Altstetten. Elle n’y cherche rien de particulier, mais elle veut « juste jeter un œil ». Curieux de savoir si « jeter un œil » va se transformer en « chrömler » (boire un verre), nous entrons dans la brocante. Sarah aime commencer ses week-ends ici lorsqu’elle n’a rien de particulier à faire ou qu’elle ne prépare pas de Flat Whites au ViCAFE. « J’aime l’ambiance : c’est calme et détendu. » On peut être bien tout seul et examiner tout tranquillement. Entre les balances de cuisine rétro des années 60, les livres d’histoire et les vieilles combinaisons de ski, elle nous raconte en riant qu’elle voit un cendrier dans presque tout. Si elle n’a pas forcément besoin d’un objet, mais qu’il lui plaît, elle s’en sert tout simplement comme cendrier. Aujourd’hui, ce sont les pièces d’échecs qui ont attiré son attention. Mais comme elle possède déjà un échiquier et que les pièces ne sont pas vendues séparément, nous quittons la brocante les mains vides.
Acheter des articles d’occasion plutôt que de les jeter est d’ailleurs une pratique que cette couturière de formation a intégrée dans son comportement de consommation. Elle avoue avoir un faible pour les manteaux et les vestes d’occasion. Elle n’a par exemple jamais acheté de meubles neufs.
Sarah travaille chez ViCAFE depuis janvier 2019, d’abord comme barista, puis peu après comme responsable de boutique. Aujourd’hui, elle gère le ViCAFE Bahnhofstrasse et le Café enSoie by ViCAFE. « Au début, j’avais un peu peur des responsabilités liées au poste de responsable de boutique. Mais avec le temps, on prend confiance en soi, on voit que ça marche et surtout, on prend plaisir à faire ce travail. » Originaire de Bâle, elle s’était initialement installée à Zurich pour faire un stage de couturière. Elle a travaillé pendant six ans dans le département développement d’une entreprise de vêtements de sport. Autour d’un Sinalco, elle nous confie que le secteur de la mode était déjà un milieu difficile. Beaucoup de choses ne s’obtiennent qu’à travers un bon réseau, et les salaires sont vraiment minimes.
Elle aime toujours coudre, même si elle n’a que trop rarement du temps à y consacrer. Elle a installé sa machine à coudre dans l’atelier d’un ami et peut s’y mettre dès qu’elle en a l’occasion. « Pour coudre, il faut visualiser le produit fini dans sa tête, faire des croquis et réfléchir précisément à la manière dont les éléments s’assemblent pour que le résultat final soit parfait. Je trouve ce processus fascinant. » Le travail nécessaire à la confection d’un vêtement, de A à Z, est en réalité beaucoup trop sous-estimé, sans parler de la rémunération. Elle n’a plus rien cousu pour elle-même depuis longtemps, mais plutôt pour des amis qui souhaitent faire retoucher ou confectionner des vêtements. Sarah nous invite chez elle. C’était prévu, mais si cela ne tenait qu’à elle, tout serait spontané.
« Ce que je préfère, c’est quand tout se met en place tout seul. Quelqu’un appelle, on se retrouve. Ce sont toujours les meilleurs moments. »
Elle vit dans le 4e arrondissement dans une colocation de quatre personnes. Nous nous rendons directement dans la cuisine, son endroit préféré dans tout l’appartement. « Je pourrais très bien me passer d’un salon. Mais une belle cuisine avec une fenêtre m’est indispensable. » Sa colocataire Valeria nous rejoint : « On sort le crémant ? » Il est déjà quatre heures de l’après-midi, l’heure est donc tout à fait légitime pour déguster un verre de vin mousseux. L’ambiance est joyeuse. On discute de la signification de l’image « Chuchi-Chueh » qui trône dans la cuisine de leur appartement. Toutes deux aiment la bonne cuisine et les choses raffinées : Sarah régale régulièrement ses colocataires avec du café et Valeria avec des desserts qu’elle ramène du restaurant où elle travaille. Une amie passe rapidement avec son chien, prend quelque chose et repart. Un jeudi après-midi se transforme en une réunion informelle entre amis, spontanée et donc tout à fait au goût de Sarah.
Pendant le confinement, la colocation a occupé la terrasse sur le toit de l’appartement. Nous grimpons une échelle en bois grinçante qui traverse le grenier et découvrons une vue magnifique sur les toits du 4e arrondissement. Il faut un peu de temps pour s’orienter sur la terrasse, tant il y a de choses à découvrir. Des pinces à linge colorées sont suspendues à une corde avec une vieille boule disco, des bouteilles de vin vides témoignent de longues nuits d’été, des affiches de festivals passés rappellent les bons moments. Celles et ceux qui ont besoin de se rafraîchir pendant les chaudes journées d’été peuvent simplement se mettre sous la douche spécialement installée. Beaucoup d’objets semblent avoir été collectionnés, empruntés ou trouvés dans une brocante. Des pots de fleurs et des tomates, dont personne ne sait vraiment comment ils sont arrivés ici, apportent une touche de verdure ici et là. « Ils ont simplement poussé, un oiseau a probablement apporté quelques graines. » Chaque trouvaille a son histoire, que Sarah nous raconte autour d’un deuxième verre de crémant dans le salon. 
